Ferrari 212 Inter Touring - 1951

— Les débuts de l’épopée Ferrari —
  • Modèle Une des trois Ferrari 212 Inter carrossées par Touring avec le procédé SuperLeggera recensées, l’une des deux connues aujourd’hui.
  • Historique Ferrari vendue neuve en 1951 à Montevideo
  • Mécanique Auto Matching Numbers très saine aux traits élégants et affirmés
  • Conduite Une conduite demandant de l’attention et offrant des sensations inoubliables

A l’instar des Ferrari 166 et 195 qu’elle remplace, la Ferrari 212 était carrossée par des officines aux styles très différents les uns des autres. Si Vignale a été le carrossier phare des 212, 42 autres voitures ont été réalisées par Touring, Abbot, Ghia et Pinin Farina pour un cabriolet. Ce cabriolet a d’ailleurs inauguré la très longue et fidèle collaboration entre Pinin Farina et Ferrari.

« On ne conduit pas une Ferrari 212, on la pilote »

Redécouverte avec beaucoup d’émotion après plus de 25 ans à l’abri des regards, la Ferrari 212 Inter de la collection ANNA LISA Art On Wheels est un superbe témoignage de ce qu’étaient les Ferrari routières du tout début des années 50. 

Patinée, saine et « Matching Numbers », cette Ferrari a vraisemblablement bénéficié d’une restauration au début des années 80 comme on les pratiquait alors. L’objectif était avant tout de rouler et certains critères esthétiques prisés aujourd’hui étaient alors jugés secondaires. Il est ainsi probable que la voiture ne soit pas née rouge, de même l’écusson Scuderia Ferrari vu sur les flancs était soit absent, soit peint avec une teinte différente et la voiture est née équipée de pare-chocs.

Outre une recherche historique menée actuellement, l’objectif de la collection ANNA LISA Art On Wheels  a été de remettre l’auto en route. Avec l’aide d’officines spécialisées et de Ferrari Gauduel à Lyon, nous avons pu parcourir, non sans émotion, les premiers kilomètres en mai 2021. 

Emotion est le mot qui convient, celle de pénétrer dans un habitacle dépouillé et élégant avec son tableau de bord peint couleur carrosserie, ce large volant ceinturé et ces frêles sièges de type baquet en cuir patiné. La mise en route offre des sensations d’un autre temps, le V12 Colombo s’ébroue avec fracas et demande une mise en température avant de libérer toute sa puissance. 

Il faut véritablement piloter cette auto qui requiert une attention de tous les instants tant la moindre bosse se fait ressentir, les freins tambours exigent une vraie anticipation bien qu’on n’utilise avant tout le frein moteur, les rapports requièrent le double débrayage.

L’auto est bruyante, exigeante mais terriblement attachante. Peu importe la vitesse à laquelle on roule, les changements de régime procurent les envolées lyriques propres aux V12 Colombo et on est vite transporté dans un autre temps. 

Cette auto n’est donc pas qu’un concentré d’esthétique et de nostalgie, c’est un vrai voyage dans le temps et l’espace. Émouvant et inoubliable. 

Nous sommes très éloignés de l’image que peuvent avoir les autos de grand tourisme dans l’imaginaire grand public. La 212 Inter est plus proche du côté brutal d’une auto de course que du côté raffiné des autos façonnées pour les concours d’élégance. 

© Ugo Missana – Maxence Massaro

Les débuts de l’épopée Ferrari

Afin de financer le développement de sa Scuderia, Enzo Ferrari s’attela dès ses débuts à vendre des voitures de course détournées pour une clientèle routière. 

La Ferrari 212 Inter estampillée EL pour « Export Lungo » était ainsi une héritière directe de la 166 Inter qui fut la toute première Ferrari Grand Tourisme de l’histoire. 

Qu’il s’agisse des 166, 195 ou 212, les versions Inter n’étaient en réalité pas très éloignées des versions Export dédiées à la compétition. Toutes motorisées par le compact et puissant V12 Colombo, les Inter avaient un moteur un peu plus sage avec un seul carburateur contre trois pour la version Export et une carrosserie à empattement long afin d’accueillir un intérieur plus confortable. 

Environ 105 Ferrari 212, dont 78 Inter, ont été produites avant d’être remplacées par la 250 Europa introduite en 1953.

Cette auto n’est pas qu’un concentré d’esthétique et de nostalgie, c’est un vrai voyage dans le temps et l’espace. Émouvant et inoubliable.

Le sur-mesure sportif

Au début des années 50, la production Ferrari est encore très artisanale, on ne peut pas encore parler de voitures de série. A l’époque, les châssis étaient livrés par Ferrari à des carrosseries indépendantes avec des différences style, de finitions ou d’équipement mécanique.

Il existait de nombreuses différences entre chaque automobile, certaines avaient un intérieur plus raffiné ou une carrosserie spéciale, d’autres revenaient à l’usine pour recevoir des améliorations destinées à la compétition. 

Voiture de route la plus rapide de son époque, il pouvait arriver que les Inters de route soient utilisées comme des voitures de course. C’est ainsi que pour la Carrera Panamericana 1950, deux Inters à 4 places carrossées par Vignale ont terminé en première et seconde position, augmentant considérablement la renommée de Ferrari en Amérique.

Notre Ferrari 212 Inter carrossée par Touring a d’ailleurs été exportée neuve à Montevideo en 1951.

La 212, l’héritière directe des Ferrari 166

Pour bien comprendre les Ferrari 212, il est important de se pencher sur les toutes premières Ferrari de route, les 166. Car en effet, la 212 est ni plus ni moins qu’une héritière directe des 166.

Dès la seconde guerre mondiale, Enzo Ferrari réfléchit à ses futures voitures avec un programme de course très ambitieux qui devait cumuler monoplace de Grand Prix, voitures de sport et autos de type Grand Tourisme. Toutes trois avaient en commun l’architecture de leur moteur, le douze-cylindres en V à 60° de petite cylindrée dessiné par Gioacchino Colombo en 1946. Ce groupe très compact autorisant une faible hauteur de bloc était construit en alliage léger avec un rapport poids/puissance très favorable. Ce bloc allait s’installer comme le V12 de référence chez Ferrari pour de longues années. 

De même, le premier moteur Tipo 125 de 1,5 litres inaugura la nomenclature Ferrari où un nom de voiture était directement issu de la capacité d’un cylindre individuel (125 cm3). La Ferrari de course Tipo 125 de Ferrari fut ainsi rebaptisée Tipo 159 dès la mi-saison 1947. 

Fin 1947, Ferrari lança la première Tipo 166 (2,0 litres) avec deux motorisations, celle de course de 150 chevaux et l’Inter de 100 chevaux équipée d’un seul carburateur Weber. A noter que la 166 était déjà équipée d’un châssis bitube et d’une boîte de vitesses à cinq rapports, de suspensions indépendantes et de freins tambours, autant de caractéristiques reprises sur la 195 et la 212 aux moteurs plus puissants.

La Ferrari 212, une vraie auto de course

Lancée en 1950, la Ferrari Tipo 212 est donc la descendante directe de la 166 (et de la 195) avec un moteur plus puissant dont la cylindrée a été portée à 2 562 cm3 grâce à une augmentation de l’alésage. La puissance maximale, entre 150  et 170 chevaux selon les versions permet d’atteindre une vitesse proche des 180 km/h avec une tenue de route exceptionnelle, en partie grâce aux suspensions indépendantes à l’avant. 

La Tipo 212 était ainsi une des voitures routières les plus rapides de son temps. Les versions Export ont cumulé les victoires : Tour de Sicile, la Coppa Inter Europa à Monza, le Tourist Trophy, le Tour de France, mais comme nous l’avons vu, deux 212 Inter ont remporté la Carrera PanAmericana au Mexique.

Avec de tels succès, la 212 fut l’objet de toutes les attentions. On comprend ainsi qu’elle ait été habillée par les plus grands carrossiers italiens de l’époque. 

© Yann Geoffray – Studio Grand Sud

L’élégance de la carrosserie Touring

La première collaboration entre Ferrari et la Carrozzeria Touring Superleggera remonte à 1948, année où Ferrari exposa au Salon de Turin une très élégante barquette 166 MM et un coupé 166 habillées par Touring.

Fondée en 1926, la Carrozzeria Touring Superleggera est connue dans le monde entier pour son procédé dit « superleggera » consistant à recouvrir de feuilles d’aluminium une charpente en minces tubes d’acier, procurant ainsi un énorme gain de poids par rapport aux traditionnelles carrosseries avec charpente en bois. Le procédé superleggera fut appliqué chez les constructeurs les plus renommés, Alfa Romeo, Ferrari, Lancia ou Aston Martin et donna naissance à de véritables chef-d‘œuvres automobiles.

Plusieurs traits stylistiques marquants caractérisent ces Ferrari à part, le premier est le style dit  » Barchetta  » dont le nom vient du fait que la base de la carrosserie était plus étroite, comme sur un bateau, d’où cet intitulé de « barquette ». Rentré dans le langage courant, ce nom a finit par désigner des carrosseries ouvertes sportives dont certaines n’offraient pourtant pas cette particularité stylistique. 

Autre trait stylistique introduit sur la Ferrari 166 par Touring, la célèbre nervure courant sur le flanc de la carrosserie que l’on retrouve sur la 212. Enfin, le très élégant arrière de type Fastback des 166 Touring a lui aussi été repris. Si les premières 166 étaient équipées de roues  » Cabo Sport  » construites par Carlo Boranni avec une jante en alliage léger, un voile en tôle d’acier ajourée et un enjoliveur masquant la fixation centrale de type Rudge, elles ont été remplacées par les célèbres roues Boranni à rayons  » Rudge Record « . Notre Ferrari 212 Inter bénéficie ainsi de cette carrosserie très élégante et des roues Borrani.

La Ferrari 212 Touring de la collection ANNA LISA Art On Wheels s’inscrit dans la droite lignée des Ferrari 166 Touring coupé, lesquelles offraient des réminiscences, surtout vu de l’arrière, avec les coupés Alfa Romeo 2500 SS du même carrossier. 

© Maxence Massaro